Quand l’engagement sans concession de textes aux sonorités ciselées rencontre la vélocité des musiques urbaines et le son organique des instruments reggae-dub, cela donne La Phaze. Un mélange artistique hybride et percutant qui donna naissance à la Pungle - contraction de punk-rock et jungle - à l’aube des années 2000. Près de 20 ans et 700 concerts endiablés dans trente pays différents, le groupe se retrouve avec une joie féroce et présente son nouvel album "VISIBLE(S)", fruit de deux ans de maturation féconde. Le tandem originel, composé de Damny aux paroles et d’Arnaud et Damny à la composition, s’est enrichi, en studio comme en live, des talents de sound-designer de Speaker Louis, explorateur des scènes underground londoniennes. Un retour aux sources pour La Phaze, qui se concentre désormais sur la dimension électro de sa bass-music, après un passage plus radical vers le punk-rock.
Portés par des guitares puissantes et des tempos haletants empruntés à la trap et à la drum’n’bass, les onze titres de l’album sont autant d’appels à la prise de conscience collective comme à la résilience, malgré et avec les tremblements de notre époque. Ainsi, sur un intense débit de parole et des riffs puissants, « Sourire Au Teint De Glace » fustige l’ère du vide de la société ultra- libérale et les visages filtrés par les écrans des smartphones. Le titre « Comme David Buckel » rend, de son côté, hommage à l’avocat et activiste écologiste qui s’immola par le feu pour marquer son désespoir face à l’utilisation massive des énergies fossiles. Autant de volontés de donner voix aux oubliés, de placer au-devant de la scène ceux que l’on n’écoute pas ou trop peu dans l’arène politico-médiatique. « Tabasse », aux tonalités plus punk, aborde frontalement la perpétuation des violences domestiques et « Haute Sécurité » se déploie autour des solitudes du monde carcéral.
Mais, quelle que soit la profonde lucidité avec laquelle les membres de La Phaze s’emparent de leurs narrations, à aucun moment le groupe ne laisse place au constat cynique ou à la tentation du renoncement. Revendiquant une résistance joyeuse et frénétique, une combativité à toute épreuve, ils appellent à la pugnacité comme à la danse. Le titre « Avoir 20 ans », à la production inspirée par les rythmiques progressives des sons latinos, trace alors un parallèle entre la convergence des générations, les désirs et les espoirs sans cesse nourris par le grand vent de la jeunesse.
Une énergie folle que l’on retrouve sans conteste sur scène, où les concerts s’envisagent - dans les petites communes françaises comme aux quatre coins du monde - comme une grande fête populaire où la passivité est prohibée et où l’engagement physique du public comme des musiciens tient lieu d’exutoire jouissif. On retrouvera d’ailleurs sur l’album et en live des comparses de route de La Phaze, comme Niko de Tagada Jones ou encore le featuring du MC espagnol Lasaisigne de la dimension internationale des membres du groupe, disséminés entre la France, l’Angleterre et l’Espagne.